Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]

OBSERVATIONS & DEDUCTIONS(janvier 845)Livaï

Tout le monde est remonté contre les corbacs du culte du Mur. Ils nous ont surveillés pendant toute l'opération et même maintenant que c'est fini, ils continuent à nous faire chier.

Hanji fait les cent pas en jetant des coups d'oeil vers Erwin, et Mike ronge son frein. On est à cran. Certains ouvriers se sont barrés, terrifiés par les menaces de ces emmerdeurs, et les autres prennent leur temps avant de redescendre. Ils veulent assister à la deuxième confrontation entre Erwin et ce sale type appelé Nick.

C'est du bla-bla tout ça, il va pas se laisser faire, il le connaît pas. Tout ce qu'il m'a dit au sujet de ces fanatiques me revient en mémoire. Il me paraît évident qu'ils savent des choses qu'ils doivent garder secrètes, mais c'est pas en braillant et en gesticulant qu'il va éviter d'attirer l'attention. Erwin va essayer de tirer le maximum d'infos de lui ; il ferait mieux de le balancer aux titans. On pourra toujours dire que c'était un accident, après tout il avait rien à foutre ici.

Mike se rapproche de moi et me demande si je sais quelque chose sur le culte du Mur. Seulement ce qu'Erwin m'en a dit, je lui réponds. Lui aussi les connaît apparemment. De ce que j'en sais, c'est une religion morbide qui existe depuis longtemps mais qui est restée dans l'ombre jusqu'à présent. S'ils surgissent maintenant au grand jour, c'est parce qu'ils pensent que des évènements terribles vont se produire. C'est ça...

Je croise les bras et reste concentré sur Erwin pour essayer de lire sur ses lèvres. C'est un truc que j'ai appris en bas et c'est très utile pour espionner sans en avoir l'air. Je comprends qu'il demande à Nick pourquoi ils sont venus surveiller les travaux, car cela n'est pas de leur ressort. L'autre répond que nous n'aurions même pas dû toucher au Mur - toujours la même chanson - et qu'il devait s'assurer que les ouvriers n'en faisaient pas plus que nécessaire. Intéressant... Erwin enchaîne en demandant carrément si quelque chose se cache dans le Mur Maria ; plutôt culotté... L'autre répond pas, évidemment, il fait la tronche et se détourne d'Erwin en faisant claquer sa robe noire devant son nez. Je suis le type des yeux, dans l'espoir de choper autre chose. Il marmonne dans sa barbe et passe au large de l'endroit où je me trouve.

Il rejoint ses deux acolytes et échange avec eux. Je comprends qu'il leur dit de pas s'inquiéter, que le roi ne laissera pas le bataillon en savoir trop. J'écarquille les yeux afin d'être sûr de ne rien louper. La fille rétorque que nous sommes peut-être déjà allés trop loin et qu'il faut prendre des mesures plus strictes contre nous... Nick tourne la tête vers moi et je fais semblant de regarder ailleurs. De toute façon, j'en sais assez : ce culte cache des choses, en a clairement après nous et nous foutra pas la paix.

Erwin calme Hanji et donne le signal du départ. Nous passons devant le groupe de fanatiques silencieux, ignorants du fait que nous voyons tous très clair dans leur jeu. Je passe lentement devant Nick, désigne mes yeux avec mes doigts et les pointe sur lui. Ce genre de truc marche toujours très bien pour signaler que je suis pas très content et que je compte pas en rester là. En gros, ça veut dire qu'il a pas intérêt à m'énerver davantage sinon, curé ou pas curé, je l'envoie au cimetière. J'ai déjà vu des types sapés comme lui dans les bas-fonds quand j'étais petit... Ils avaient pas ces colliers tape-à-l'oeil, mais la même mine sévère et faussement bienveillante ; certains m'ont même fait des propositions assez dégueulasses, qui avaient très peu à voir avec la charité...

Déjà à l'époque, je les sentais pas.

Ce cher révérend sursaute de frayeur devant moi et je me mets à ricaner doucement en filant un coup de coude à Mike. Il l'a bien cherché. T'inquiète pas, je ferais rien qui causerai du tort au bataillon. C'était juste un avertissement. Pas sûr qu'on le revoie dans les parages. Si c'est le cas, je me déplace en personne. En tout cas, pas question qu'Erwin se retrouve face à ce type sans que je sois là. C'est pas négociable.

Tandis que je me laisse tomber dans le vide avec nonchalance avant de déployer mes câbles, je pense de nouveau aux secrets des Murs ; à ce qui se trouve au-delà de l'horizon... et la nostalgie des expéditions me reprend.

S'il y a vraiment quelque chose là-bas, y a-t-il une seule chance pour que cet enfoiré de cureton puisse nous le révéler ? Si Erwin a besoin de faire couiner quelqu'un sans que le major le sache, il peut compter sur ma discrétion... Il ne me le demandera pas, c'est pas dans ses méthodes. "Finies, les méthodes de truand", comme il dit. Mais je sais que ça le travaille.

Je sais pas s'il va nous en reparler. Il va se méfier des oreilles baladeuses maintenant.