C'était la première fois que je voyais cette facette de mon mari. Il me faisait peur tout d'un coup. J'avais toujours la main sur ma joue. Je ne pouvais plus bouger. Il s'est dirigé vers l'ordinateur, a débranché tous les fils, et l'a rangé dans le débarras. Je n'avais plus de moyens de communiquer avec Raï. Je n'arrivais pas à lui en vouloir. Je lui trouvais des excuses. Je me disais que je devais tomber enceinte et il ferait tout ce que je voulais. Raoul ne décolérait pas. Il a appelé ma mère pour me dénoncer. Il m'a ensuite remis le téléphone.
Moi : Allo
Maman : Raoul n'est pas content. Tu n'arrêtes pas de lui désobéir. Qu'est ce que tu as à raconter à Raïssa ? Elle a toujours été jalouse de toi. Elle fera tout pour te séparer de ton mari. Je l'ai dit à Raoul. Elle est dangereuse. Si tu as des questions sur ton mariage c'est à moi que tu dois parler. Je ne veux que ton bien. Vas demander pardon à ton mari et que ça ne se reproduise plus.
Moi : Il avait promis de me laisser continuer mes études. C'est tout ce que je lui ai dit et il m'a frappée.
Maman : Quelles études? Lui as tu donné un enfant? Il t'avait déjà dit qu'il voulait des enfants d'abord. Quand est ce que tu auras le temps de tomber enceinte avec des études? Il a bien fait de te frapper pour te remettre les idées en place. Tu es trop idiote parfois.
Moi : (Pleurant et parlant ouolof) Maman, sama morom yeup dinagne ma raww. Dama sonou si keur gui, awma kumay wakhal, dina fi doff rek. Damay khalat rek bay beugeu deh. Wakhko mu bayima ma diangui. (maman, mes amies vont toutes me dépasser. Je suis fatiguée, je n'ai personne à qui parler, je risque de devenir folle dans cette maison. Demande-lui de me laisser étudier.)
Maman : Yow ehhhh, buma yapp la wakh. Loy khalat melni ku doff? Sa morom yi, buniou sanione am linga amm. Sa dieukeur teral nala, teral say wadiour. None yi di merr, gni di beugeu deh. Raoul fadial nama sama gathier yeup, luma diokhogne mu daggeu. Limou la lathier yombeuna. Dioural ko doom rek, bu boba dinga am lo beugeu si mom. Buniou yakal suniou téranga deh, yow bone nga torop. (Ne te fiches pas de moi! Tes amies t'envient, elles auraient souhaité être à ta place. Ton mari nous a honorées, il me donne tout ce que je lui demande. Il ne te demande pas l'impossible : juste un enfant et il fera tout ce que tu veux. Ne nous gâche pas cette opportunité. )
Moi : Maman, dama soneu. Damay febar rek. Dama beugeu gnibissi Sénégal. (Maman, je suis fatiguée. Je tombe tout le temps malade. Je veux rentrer au Sénégal.)
Maman : Bumou dieum kaww deh!! Gnibi def fi lane? Bene seuy nekhoul, mounieul. (Rentrer pour quoi? Aucun mariage n'est idyllique.)
Moi : Limay doundou dafa meti maman. (Je souffre maman.)
Maman: Seuyal ma seuy bi lala wakh. Bumala fa fekker du bakh si yow. Topotol sa dieukeur, deffal lumu beugeu teh bussi tek batteu!!! Denga limala wakh? (Occupes toi de ton mari, sinon tu auras affaire à moi. )
Moi: D'accord maman.
Maman: Je te laisse. Je dois sortir. Je ne veux plus que Raoul m'appelle pour te dénoncer. Je t'embrasse.
Je remettais le téléphone à Raoul et me dirigeais dans la chambre pour m'allonger. Il a pris sa douche et a dormi dans la chambre d'amis. C'était une première et ça m'a refroidi. J'avais besoin d'affection, de quelqu'un qui me prendrait dans ses bras pour me dire que tout irait bien. Raoul s'était désintéressé de ma personne parce que je ne tombais pas enceinte. Au fonds de moi, je n'avais pas vraiment envie d'avoir d'enfants avec lui, peut-être que c'est la partie sensée de mon esprit qui rejetait cette idée. Mes journées étaient longues et pénibles, je n'avais rien à faire, pas d'internet, pas de téléphone, pas d'amies, pas de relations. J'avais juste la télé, la bouffe à gogo, des habits et de l'argent qui ne servaient à rien (je n'allais nulle part) et mon fameux journal. Raoul m'interdisait formellement de sortir et je ne sais toujours pas pourquoi je l'ai écouté. Je passais mon temps à écrire, écrire et encore écrire. Regarder la télé ne m'interessait pas. Je broyais tout le temps du noir. Je parlais toute seule, je riais toute seule, il m'arrivait aussi de pleurer comme une folle pour rien, j'étais dépressive. Je vivais dans une prison dorée.

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Chronique de Maguy : le bout du tunnel
Non-FictionC'est l'histoire de Ndeye Maguette, une jeune fille sénégalaise, dont les parents vont divorcer. Cette séparation sera la cause de tous ses malheurs et tourments.